On a coutume de dire que la matière peut prendre trois états:
- l'état solide: la matière est incompressible n'épouse pas
la forme de son contenant
- l'état liquide: la matière est incompressible mais épouse
la forme de son contenant
- l'état gazeux: la matière est compressible
On
classe habituellement les substances en fonction de l'état dans lequel
on peut l'observer dans les conditions ambiantes (pression = 1atm,
température = 20°C). Ainsi l'air est considéré comme un gaz, l'eau est
un liquide, le fer est un solide.
En vérité toute substance peut se
trouver alternativement dans chacun des ces états selon les niveaux de
température et pression auquel elle est soumise. Ainsi on sait bien
que, à la pression atmosphérique normale, l'eau devient solide pour des
températures inférieures à 0°C et gazeuse pour des températures
supérieures à 100°C.
Ces changements d'état sont représentés sur un graphique en fonction de
la température et la pression.
On pourrait ajouter un quatrième état: l'état
supercritique:
alors qu'en dessous d'une température dite "critique" tout gaz peut
passer à l'état liquide en augmentant la pression, au delà de cette
température critique le gaz restera à l'état gazeux quelque soit la
pression appliquée. La condensation devient impossible. Pour de fortes
pressions la densité sera celle d'un liquide, mais il restera
compressible comme un gaz.
La connaissance de cette température critique est très importante pour
toute opération destinée à liquéfier un gaz.
La
façon la plus simple de liquéfier un gaz est d'augmenter sa pression à
température ambiante jusqu'à atteindre les conditions où sont état
stable est l'état liquide.
Ce fut fait pour la première fois semble-t-il vers 1760 par Martin van
Marum, un scientifique néerlandais, avec l'ammoniac.
La température critique de l'ammoniac est de 132°C
Sa pression de condensation est 10 atm à 26°C
Il
suffit donc d'augmenter la pression de l'ammoniac au delà de 10 atm
sans dépasser 26°C de température pour l'obtenir dans l'état liquide.
Il
en est ainsi de nombreuses substances dont la température critique est
supérieure à la température ambiante.
Par contre il en va autrement
pour de nombreux autres gaz dont la température critique est inférieure
à l'ambiante. Par exemple, la température critique de
l'air est de -140,6°C. Aucune condensation ne sera donc possible sans
abaisser sa température en dessous de cette valeur. Pour ces gaz, il
faudra donc faire appel à des machines frigorifiques pour abaisser la
température en dessous de l'ambiante.
On distingue:
- les cycles frigorifiques simples
- les cycles frigorifiques simples en cascade
- les cycles à détente isenthalpique de Joule-Thomson
- les cycles inverses de Brayton à détente isentropique
- les cycles mixtes
- Un fluide dit "frigorigène" est vaporisé à une pression P0
et une température T0
- La
vapeur est reprise par un compresseur qui porte sa pression à P1 telle
que le fluide frigorigène puisse être aisément condensé à la
température T1.
- Le liquide retourne dans la zone de vaporisation où il est
détendu à la pression P0. Il se vaporise en
partie, ce qui abaisse sa
température à T0.
- Le reste du liquide sera vaporisé en fonction du besoin de
refroidissement.
La température de refroidissement atteinte dépend de la température de
vaporisation du fluide frigorigène. La vaporisation en dessous de la
pression atmosphérique est théoriquement possible mais présente le
risque d'entrée d'air dans le circuit qui nuirait gravement au
fonctionnement de la machine.
Le fluide frigorigène lui-même doit
avoir une température critique supérieure à la température ambiante
pour être condensé à température ambiante.
Exemples de fluides frigorigènes utilisables:
Fluide |
Température critique |
Température
de vaporisation
à P atm |
Pression de
condensation
à T ambiante |
AMMONIAC |
132°C |
-33°C |
8,6 atm |
PROPANE |
97°C |
-42°C |
8,4
atm |
R134a |
101°C |
-26°C |
5,7 atm |
ISOBUTANE |
135°C |
-12°C |
3
atm |
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Les
machines en cascade sont constituées de plusieurs machines
frigorifiques simples utilisant des fluides frigorigènes différents, la
source froide d'une machine constituant la source chaude de la machine
inférieure.
Dans l'exemple présenté destiné à liquéfier de l'azote:
- l'ammoniac est condensé à 20°C sous pression et vaporisé à
-43°C après détente
- l'éthylène est condensé à -43°C sous pression grâce à
l'évaporation de l'ammoniac et est vaporisé à -100°C après détente
- le méthane est condensé à -100°C sous pression et vaporisé
à -161°C après détente
- l'azote est condensé à -161°C sous pression
Joule et Thomson ont mis en
évidence qu'un gaz réel soumis à
une détente isenthalpique (sans échange thermique ou mécanique avec
l'extérieur) pouvait sous certaines conditions de pression et
température voir leur température baisser. Ce phénomène n'était pas
prédit par la théorie des gaz parfaits, puisque l'enthalpie d'un gaz
parfait ne dépend que de la température et donc à enthalpie constante
la
température d'un gaz parfait est constante.
Ce
phénomène appelé depuis "Effet Joule-Thomson" a été mis à profit par
Carl von Linde en 1895 pour liquéfier l'air. Ce cycle frigorifique est
depuis appelé "Cycle de Linde".
Dans
ce procédé, le gaz est comprimé à haute pression et est refroidi à
température ambiante. Puis il est refroidi aussi près que possible de
la température du gaz liquéfié dans un échangeur à contre-courant avec
le gaz non liquéfié à basse pression. Le gaz haute pression froid est
détendu dans une vanne où l'abaissement de température supplémentaire
est suffisant pour le liquéfier partiellement. Le liquide est séparé et
le gaz est retourné au compresseur après avoir assuré le refroissement
du gaz haute pression.
Un appoint en gaz frais est fait à l'entrée du compresseur pour
compenser le liquide produit.
Le
taux de compression étant souvent assez élevé (de l'ordre de 10 pour
l'air par exemple), la compression nécessitera plusieurs étages avec un
refroidissement à température ambiante entre chaque étage ainsi qu'en
sortie du compresseur.
De même qu'un gaz comprimé dans une machine voit sa température
augmenter, un gaz détendu dans une machine produisant un travail
(turbine ou machine à piston ...) voit sa température baisser. En
language thermodynamique il s'agit d'une détente isentropique.
Bien
que conduisant à des abaissements de température plus important qu'une
détente isenthalpique, l'utilisation de ce principe pour la
liquéfaction des gaz est difficile car il conduit à l'obtention
de
liquide à l'intérieur même de la machine effectuant la détente. Or la
présence de liquide au delà de quelques pourcents dans le gaz pose
des problèmes mécaniques dans ce type de machine.
Néamoins cette
méthode est utilisée à large échelle pour l'épuration de gaz de leurs
impuretés condensables. Ainsi le gaz naturel est refroidi par détente
dans un turbo-expandeur (turbine accouplée à un compresseur) afin d'en
éliminer, par condensation, les composés en C3 et plus.
Claude
cherchant à perfectionner le procédé de liquéfaction de l'air imaginé
par Carl von Linde, décida en 1905 de combiner le cycle de Linde et le
cycle de Brayton
inverse.
Afin d'augmenter le refroidissement du gaz sous haute
pression dans le train d'échange à contre-courant, Claude imagina de
prélever une partie du gaz à haute pression pour lui faire subir une
détente isentropique dans une machine avant de le réinjecter dans le
circuit basse pression du train d'échange.
Pour ne pas endommager
la machine de détente, il faut que la température du gaz prélevé soit
telle que après détente aucune condensation ne se produise. Egalement,
il faut s'assurer que le gaz détendu soit à une température inférieure
à celle du gaz dans lequel il est réinjecté pour qu'il y ait un
bénéfice réel pour le procédé.
Collins travaillant au MIT (Boston, USA) proposa en 1952 une optimisation du cycle de Claude pour la liquéfaction de l'hélium.