Le phénomène de moussage est particulièrement problématique dans les procédés de distillation parce que:
- il perturbe l'écoulement harmonieux du gaz et du liquide
- il n'est pas bien caractérisé et donc son intensité et ses conséquences sont mal quantifiées
- il peut être erratique, apparaître et disparaître à la faveur d'un changement de condition opératoire ou de composition
Il peut affecter gravement le fonctionnement des plateaux de
distillation, où le gaz et le liquide doivent entrer dans un contact
intime avant de se séparer franchement. Les garnissages semblent être
moins moins sensibles au moussages.
Le phénomène de moussage résulte de deux tendances opposés:
- la tendance du système à former une mousse
- la tendance du système à détruire la mousse
Lorsque la formation de mousse excède sa destruction, il y a accumulation et la capacité de la colonne doit être réduite.
Mécanismes de moussage
Une mousse est fondamentalement du gaz enfermé dans une cellule dont la
paroi est constituée de liquide. Lorsque cette paroi se rompt, la
mousse collapse.
La raison principale qui provoque la rupture de
cette paroi, est son amincissement dû à l'écoulement du liquide par
gravité. Lorsque les forces de viscosité et de tension superficielle
peuvent s'opposer à cet écoulement, la mousse est stabilisée.
Une
des causes de stabilisation d'une mousse est la présence d'un gradient
de tension superficielle; c'est l'effet Marangoni, où un liquide
s'écoule d'une zone à faible tension superficielle vers une zone à
forte tension superficielle.
Les liquides purs ne forment pas de mousse stable; rien ne permet un gradient de tension superficielle.
Effet de Ross
Tel
que décrit par S. Ross en 1975, un liquide pouvant donner naissance à
une seconde phase (hydrocarbure saturé en eau ou eau saturée en
hydrocarbure) pourra former une mousse stable. Dans ce cas, le moussage
pourra disparaître en changeant légèrement les conditions opératoires
(par exemple en augmentant la température pour solubiliser totalement
la seconde phase).
Effet Marangoni
Une
mousse stable peut se former à la faveur d'un gradient de tension
superficielle. Si, dans un mélange à distiller, le composant le plus
volatil possède la tension superficielle la plus faible, celui-ci sera
en concentration plus faible à la surface de la paroi de la cellule. Sa
tension superficielle sera donc plus élevée et retiendra le liquide
empêchant son écoulement. La mousse est stabilisée.
Dans une
distillation, ce mécanisme peut être identifié en examinant les
propriétés physiques des composants. Si la tension superficielle du
mélange dans la colonne décroît se plus de 1 dyn/cm par étage théorique
vers le haut, on peut craindre un moussage dû à cet effet.
Effet des particules solides
La
présence de particules tendent à stabiliser une mousse. Elles ne
rendent pas moussant un liquide qui ne l'est pas. Les petites particule
ont un effet plus important que les grosses. Malheureusement, ce sont
aussi les plus difficiles à éliminer par filtration.
Procédés sensibles au moussage
Les
procédés de lavage de gaz acides par des amines et leurs régénération
sont parmis les procédés les plus exposés aux phénomènes de moussage.
Ces amines ne sont pas par elles même susceptibles de mousser;
cependant certains contaminants peuvent induire le moussage:
- hydrocarbures liquides (effet de Ross)
- produits de corrosion (particules de sulfure de fer)
- produits de dégradation des amines (tensio-actifs)
Test de Bikerman
Le
test de Bikerman est utilisé pour quantifier la capacité d'un liquide à
former une mousse. Il consiste à faire barbotter un débit connu d'azote
dans le liquide à évaluer. Le volume de mousse formé est rapporté au
débit d'azote. C'est l'indice de Bikerman exprimé en secondes.
Internes de colonne adaptés
Les
plateaux fonctionnent par bullage de gaz dans le liquide retenu par le
plateau; ils sont donc plus susceptibles de créer une mousse.
Par
contre, sur un garnissage, à faibles charges liquides, le gaz lèche de
liquide ruisselant à la surface; cependant, à charge liquide élevée,
des ponts liquides peuvent se former et occasionner un "barbottage";
les garnissages sont souvent mieux adaptés aux systèmes moussants.
Cependant, certains procédés ne sont pas compatibles avec les garnissages:
- les procédés encrassants
- les procédés mettant en oeuvre une réaction chimique lente
- ...
Les
garnissages vracs offrent souvent des surfaces spécifiques plus faibles
que les garnissages structurés et autorisent des charges liquides
supérieures; ils seront préférés pour des charges >50m3/m²/h.
Les
garnissages structurés seront préférés pour des charges liquide
<10m3/m²/h. Ceux présentant un angle de 60deg (type X) seront mieux
adaptés car facilitant l'écoulement du liquide sans opportunité de
"barbottage".
Si des plateaux doivent être utilisés, leur fonctionnement en régime de pulvérisation (spray regime) sera préférable; la phase continue étant gazeuse, la formation de mousse est moins probable que dans un régime de mousse (froth regime). Pour cela, la hauteur de liquide sur le plateau sera limitée.
Prévenir les moussages
Pour prévenir les phénomènes de moussage, il convient de limiter la présence des contaminants responsables:
- limiter leur introduction en amont (sélection des additifs)
- prétraîter les charges (filtration, ...)
- purifier les recyclages (filtration, régénération des solvants, ...)
Sources
- Mark Pilling, Sulzer Chemtech USA - Foaming in fractionation columns
- Ross
S, Nishioka G, Foaminess of binary and ternary solutions, The Journal
of Physical Chemistry, Vol. 79, No. 15, 1975, 1561-1565.