Chaleur
de réaction
Certaines réactions chimiques se produisent en dégageant de la chaleur (
réactions exothermiques)
alors que d'autres en absorbent (
réactions
endothermiques). Ces phénomènes
thermiques sont proportionels à la quantité de matière mise en jeu. La
quantité de chaleur est souvent associée à l'équation chimique de
différentes manières:
A + B → C + xxkcal
(réaction exothermique)
A + B → C - xxkcal
(réaction endothermique)
La quantité de chaleur est symbolisée comme un produit de la
réaction avec un signe selon son caractère endothermique ou
exothermique.
Elle se réfère alors au nombre de moles de réactifs et de produits
indiqués dans l'équation
A + B → C ΔH=-xxkcal/mole C
(réaction exothermique)
A + B → C ΔH=+xxkcal/mole C
(réaction endothermique)
La quantité de chaleur est représentée par la variation
d'enthalpie de formation (Hf):
ΔH = ΣHfproduits
- ΣHfréactifs
Elle
est exprimée en kcal/mole et se rapporte alors une mole de réactif ou
de produit
Les deux représentations sont strictement équivalentes. Les
unités utilisées peuvent être aussi:
kJ, kJ/mole, kJ/kg, kcal/kg, ...
Si on ne
dispose pas des enthalpies de formation des composés impliqués dans la
réaction, il est aussi possible de déterminer approximativement la
chaleur de réaction en faisant le bilan des énergies de liaisons
rompues et crées
Enthalpie
de formation
L'enthalpie représente le contenu
énergétique d'un corps. C'est une fonction d'état (qui ne dépend que de
l'état du corps) et
n'est pas fonction du chemin suivi pour y parvenir (loi de Hess). Les
variations d'enthalpie sont dues indifféremment à des échanges de
travail ou de chaleur. On ne connait pas la valeur absolue de
l'enthalpie, mais on ne s'intéresse qu'à ses variations. Pour les
substances chimiques on a choisi arbitrairement d'affecter la valeur 0
à tous les composés simples dans leur état stable à 25°C (298,15K) et 1
bar abs (état dit "standard"). Ainsi pour la molécule d'oxygène (O2)
H=0 pour l'état gaz, pour le carbone (C) H=0 pour le graphite solide,
...
Pour
les molécules plus complexes, l'enthalpie de formation est obtenue en
sommant toutes les chaleurs de réactions nécessaires pour les
synthétiser en partant des corps simples. Les enthalpies de formation
des molécules complexes sont publiées dans des tables dont les plus
connues sont les tables JANAF.
Energies
de liaisons
Si on ne
dispose pas des enthalpies de formation des composés impliqués dans la
réaction, il est aussi possible de déterminer approximativement la
chaleur de réaction en faisant le bilan des liaisons rompues et crées.
Toute
liaison entre deux atomes:
- absorbe de l'énergie pour être rompue,
- libère de l'énergie quand elle est créée.
Les valeurs publiées sont
compilées dans des tables et publiées dans de nombreux ouvrages et
sites web.
Cependant les énergies de liaison ne dépendent pas seulement
de la nature des atomes liés. Elles dépendent également, dans une
moindre mesure, de la nature et la position des autres atomes présents
dans la molécule. Il n'existe donc pas une valeur d'énergie pour une
liaison entre deux atomes, mais une multitude de valeurs correspondant
à différentes molécules, heureusement assez proches. Il ne faut donc
pas s'étonner de trouver des valeurs différentes provenant de source
différentes.
La procédure pour calculer
une chaleur de réaction est la suivante:
- écrire l'équation chimique équilibrée avec les formules
développées des molécules
- identifier et compter les liaisons rompues et les liaisons
créées
- affecter pour chacune une valeur d'énergie choisie dans une
des nombreuses compilations disponible
- en faire la somme en veillant aux signes
Exemple
de table des énergies de liaison
Energie de liaison (kJ/mol)
|
Liaison |
Energie |
Liaison |
Energie
|
H-H |
436 |
H-C |
413
|
C-C |
348 |
H-N |
391
|
N-N |
170 |
H-O |
460
|
O-O |
145 |
H-F |
568
|
F-F |
158 |
H-Cl |
432
|
Cl-Cl |
243 |
H-Br |
366
|
Br-Br |
193 |
H-I |
298
|
I-I |
151 |
H-S |
363 |
C-N |
308 |
C=C |
614
|
C≡N |
885 |
C≡C |
839
|
C-O |
360 |
C=O |
799 |
C-S |
272 |
O-O |
145
|
C-F |
488 |
O=O |
498
|
C-Cl |
330 |
N-N |
170 |
C-Br |
288 |
N=N |
420 |
C-I |
216 |
N≡N |
945 |
Exemple
d'utilisation des énergies de liaison
1- Réaction de combustion du méthane:
CH
4 + 2O
2 → CO
2
+ 2H
2O
s'écrit avec des formules développées:
H
|
H-C-H + 2 O=O → O=C=O + 2 H-O-H
|
H
Liaison |
Nombre |
Energie
kJ/mol |
|
C-H → C H |
4 |
413 |
1652 |
O=O → O O |
2 |
498 |
996 |
C O → C=O |
2 |
799 |
-1598 |
O H → O-H |
4 |
460 |
-1840 |
|
|
Total |
-790 |
On peut comparer ce résultat à celui trouvé en utilisant les enthalpies
de formation:
Hf
CO2 = -393,5 kJ/mol
Hf
H2O = -241,8 kJ/mol
Hf
CH4 = -74,9 kJ/mol
Hf
O2 = 0 kJ/mol
ΔHr = -393,5 - 2x241,8 + 74,9 - 2x0 = -802,2 kJ/mol CH
4
2- Réaction d'hydrogénation de propylène
CH3-CH=CH2 + H2 → CH3-CH2-CH3
s'écrit avec des formules développées:
H H H H H H
| | | | | |
H-C-C=C + H-H → H-C-C-C-H
| | | | |
H H H H H
Liaison |
Nombre |
Energie
kJ/mol |
|
C=C → C C |
1 |
614 |
614 |
H-H → H H |
1 |
498 |
498 |
C C → C-C |
1 |
436 |
-436 |
C H → C-H |
2 |
413 |
-826 |
|
|
Total |
-150 |
Bilan
thermique d'un réacteur
Le bilan thermique d'un réacteur est en fait un bilan d'enthalpie comme
on le ferait pour un bilan matière. Il peut s'écrire de la manière
suivante:
flux enthalpique entrant avec les réactifs
+ flux de chaleur apporté au système
+ puissance mécanique apporté au système
- flux de chaleur retiré du système
- flux enthalpique sortant avec les
produits de réaction et réactif non convertis
= accumulation d'enthalpie dans le
réacteur
Les flux enthalpiques des réactifs entrants ou des produits de
réaction sortant du réacteur sont le produit du nombre de moles des
composants par l'enthalpie molaire de formation à la température
éffective du flux.
Les flux de chaleur sont généralement apportés au système par
un réchauffeur ou retirés par un refroidisseur, et l'énergie mécanique
peut être apportée par une pompe, un compresseur ou un agitateur. Ces
flux d'énergie doivent être exprimés en unité cohérente avec les unités
employées pour les enthalpies de formation. Le tableau ci-dessous
résume les unités cohérentes à employer:
Enthalpie de formation |
kJ/mol |
kcal/mol |
kJ/mol |
Débit de matière |
mole/sec |
mole/sec |
mole/h |
Flux de chaleur |
kW ou kJ/sec |
kcal/sec |
kJ/h |
Puissance mécanique |
kW |
kcal/sec |
kJ/h |
Enthalpie accumulée |
kJ/sec |
kcal/sec |
kJ/h |
Le bilan thermique d'un réacteur est utile pour:
- dimensionner un réchauffeur ou un refroidisseur destiné à
contrôler la température du milieu réactionnel
- connaitre la température de sortie d'un réacteur adiabatique
Bilan
thermique d'un réacteur continu
Le réacteur continu est considéré dans son état stationnaire. Il n'y a
donc pas d'accumulation d'enthalpie, et on peut donc écrire:
flux enthalpique entrant avec les réactifs
+ flux de chaleur apporté au système
+ puissance mécanique apportée au système
= flux de chaleur retiré du système
+ flux enthalpique sortant avec les
produits de réaction et réactif non convertis
Température
d'un réacteur continu adiabatique
Un réacteur adiabatique est un réacteur sans échange de chaleur avec
l'extérieur. Dans un tel réacteur, la chaleur de réaction provoquera:
- si la réaction est endothermique, un abaissement de la
température du milieu réactionnel
- si la réaction est exothermique, une augmentation de la
température du milieu réactionnel
La
température de sortie du réacteur résulte du bilan thermique. C'est la
température pour laquelle le flux enthalpique sortant avec les produits
équilibre le bilan.
Température
d'un réacteur discontinu
Dans un réacteur discontinu, la pratique est souvent de charger
certains
des réactifs en totalité, puis d'introduire progressivement les autres.
Idéalement, la réaction se produira de manière maîtrisée au fur et à
mesure de l'introduction des réactifs.
Le réacteur peut être chauffé ou refroidi ou même chauffé
pendant une phase de l'opération et refroidi pendant une autre phase.
La
température résulte du bilan thermique du réacteur:
Tr = T
ini + (-n.ΔHr + Qech)/(m.Cp)
avec:
Tr: température actualisée du réacteur
T
ini: température initiale du réacteur
n : nombre de mole de réactif de référence ayant réagi
ΔHr: enthalpie de réaction
Qech: quantité de chaleur échangée par le réacteur
m : masse du milieu réactionnel
Cp: capacité calorifique du milieu réactionnel
La température du réacteur demeure constate tant que la
quantité de chaleur échangée égale la chaleur de réaction.
Risque
d'emballement de la réaction
Dans
certains cas, une réaction exothermique peut conduire à un emballement
de la réaction si la vitesse de génération de chaleur par la réaction
excède la vitesse d'élimination par le refroidissement. La température
du réacteur augmente alors.
La vitesse des réactions chimiques
augmente avec la température; on constate souvent qu'approximativement
la vitesse d'une réaction double pour chaque augmentation de
10°C
de la température.
Si la vitesse d'élimination de la chaleur est
insuffisante, l'augmentation de température qui en résulte augmente la
vitesse de la réaction, ce qui ne fait qu'empirer la situation.
L'augmentation de température peut être telle qu'elle peut conduire à:
- des réactions indésirables
- une vaporisation du milieu réactionnel
- une surpression avec perte du confinement des produits
- ...
Ce phénomène est la cause de nombreux accidents industriels.
Un des moyens pour garder le contrôle de la réaction est de
s'assurer qu'il n'y a pas d'accumulation de réactif; pour
cela il faut pouvoir maîtriser leur introduction et en moduler la
vitesse en fonction de la vitesse de réaction. En particulier si le
refroidissement est un facteur limitant de l'opération, on pourra être
tenté de la démarrer à la température la plus basse possible. Dans ce
cas, il faut garder à l'esprit qu'une température basse conduira à une
faible vitesse de réaction. La vitesse d'introduction des réactifs
devra donc être faible elle aussi.
Plus sur le
web
- Tables
thermodynamiques JANAF -
- Enthalpies de formation de corps purs
- NSRDS-NBS31.pdf
- Une compilation des valeurs d'énergie de liaison
- WebBook de chimie
NIST -
- Données thermochimiques de composés et réactions, données
spectrales,
chromatographiques, physiques, ...