Etablir un bilan énergétique d'une opération de procédé ou d'un
ensemble d'opérations est une des tâches essentielles du concepteur ou
de l'exploitant.
Il permet de mesurer le rendement énergétique d'un équipement, de
déterminer le besoin en énergie d'une opération ou son besoin en
refroidissement, ou encore de conforter une mesure de débit ou de
consommation.
Les
formes d'énergie
Le premier principe de la thermodynamique établi que l'énergie ni ne se
crée ni ne disparaît; elle se transfère ou change de nature.
L'énergie dans les opérations de procédé prend les formes suivantes:
- - chaleur (Q)
- énergie thermique échangée au cours de l'opération, dans un
échangeur de chaleur par exemple
- - travail (W)
- énergie mécanique apportée dans l'opération (pompage par
exemple) ou produite (turbine par exemple) par l'opération
- - enthalpie (H)
- contenu énergétique, essentiellement thermique, de la
matière impliquée dans
l'opération.
C'est sa variation (ΔH) qu'il est utile de connaître dans le bilan
énergétique. Dans un procédé continu c'est la différence entre
l'enthalpie des flux de sortie et celle des flux d'entrée
(en J/sec);
dans un procédé discontinu, ce peut être la différence d'enthalpie
entre la fin et le début d'opération (en J/cycle).
- - énergie cinétique (Ec)
-
les flux procédé comme tout objet matériel possède une
énergie cinétique propre s'ils sont animés d'une vitesse. Sa valeur est
calculée par la relation:
Ec = m.v2⁄2
- Cette énergie
cinétique peut être fournie par le travail d'une machine (ventilateur,
pompe, ...) ou acquise par une variation de pression (variation
d'enthalpie).
- - énergie potentielle (Ep)
- c'est l'énergie acquise pour vaincre un champ de forces.
Dans les opérations de procédé il s'agit le plus souvent du champ
gravitationnel. Autrement dit, c'est l'énergie pour amener un fluide de
masse m à
une certaine altitude (h). Sa valeur sera alors calculée par la
relation Ep = m.g.h
- Elle sera le plus souvent issue du travail d'une
pompe ou d'un élévateur.
L'énergie totale de la matière (Etot)
est la somme de l'enthalpie, l'énergie cinétique et l'énergie
potentielle:
Etot =
H + Ec + Ep
Ces différentes formes d'énergie sont liées entre elles par
la relation:
Q + W - ΔH - ΔEc - ΔEp =
accumulation
Dans un procédé continu dont le régime est stationnaire, le
terme d'accumulation est par définition nul. De même dans un procédé
discontinu dont le cycle d'opération ramène l'installation dans son
état initial exact, il n'y a pas plus d'accumulation d'énergie que de
matière.
Exemples
de bilan énergétique
Type d'opération |
Bilan des énergies |
Observation |
Détente d'un liquide surchauffé |
Q = 0
W = 0
ΔH = -ΔEc - ΔEp
ΔEc ≠ 0 si un accroissement de la vitesse est due à la
diminution de masse
volumique
ΔEp ≠ 0 si les altitudes entrée/sortie sont différentes |
Considérons la détente d'eau liquide à 150°C à une
pression de 1 bar absolu:
HL150: 632,2 kJ/kg
HL100: 417,5 kJ/kg
HV100: 2675 kJ/kg
% de vapeur formée: 9,5%
ΔEc et ΔEp sont négligés.
Malgré
la baisse de la température du mélange, son enthalpie reste inchangée;
la baisse d'enthalpie du liquide, compense exactement l'augmentation
d'enthalpie de la vapeur formée |
Vaporisation d'un liquide
avec:
F: débit de matière (kg/sec)
Lv: chaleur latente de vaporisation (J/kg)
Vv: vitesse de la vapeur en sortie (m/sec)
Vl: vitesse du liquide en
entrée (m/sec) |
Q = F.Lv
W = 0
ΔH = Q - ΔEc - ΔEp
ΔEc = F(Vv2 - Vl2)/2
ΔEp ≠ 0 si les altitudes entrée/sortie sont différentes |
Pour:
F = 1 kg/sec
Lv = 400kJ/kg
Vl = 1m/sec
Vv = 50m/sec
ΔEc =1,25 kJ/sec
La
variation d'énergie cinétique est faible devant l'énergie mise en jeu
dans les opérations thermiques, c'est pourquoi elle est souvent
négligée dans ces bilans |
Transfert par pompe d'un liquide depuis un réservoir
vers un autre en altitude
avec:
F: débit massique de liquide transféré (kg/sec)
h: différence d'altitude entre les deux réservoirs
(m)
g: accélération due à la pesanteur = 9,81m/sec² |
Q = 0
W =
ΔEp/Rdt
ΔH = W-ΔEp
ΔEc = 0 s'il n'y a pas de variation de vitesse
ΔEp = F.g.h |
Le relevage d'un fluide augmente son énergie
potentielle et
requiiert du travail. La machine de relevage n'étant pas
parfaite,
une partie du travail fourni n'est pas efficace et est gaspillée
à échauffer le fluide. Cet échauffement augmente sa
température
et donc son enthalpie. |
Détente de vapeur dans une turbine |
Q = 0
W =
ΔH
ΔH = F(Haval - Hamont)
ΔEc = 0 si les vitesses de la vapeur sont identiques en amont et en
aval de la turbine
ΔEp = 0 |
Les pressions et températures de la vapeur permettent
de déterminer son enthalpie à l'aide de tables thermodynamiques. |
Chauffage par combustion |
Q = x kJ
W = 0
ΔH = (Fcomb+Fair)Hfumées
- Fcomb.Hcombustible - Fair.Hair
ΔEc = 0
ΔEp = 0 |
Une
combustion est une réaction chimique; le bilan enthalpique doit
utiliser les enthalpies de formation des espèces chimique présentes
dans le combustible, le comburant et les fumées. Si combustible,
comburant et fumées sont à la même température, ΔH est égal au pouvoir
calorifique du combustible. |
Les
étapes d'un bilan énergétique
1- établir un schéma
Le
procédé étudié peut être complexe. Tous les flux devant intervenir dans
le bilan doivent être identifiés. Un schéma de circulation des fluides
est la meilleure base de travail.
2- définir le périmètre du bilan
Selon
la définition du secteur sur lequel le bilan sera établi, certains flux
peuvent êtres inclus ou d'autres exclus du bilan. La méthode
recommandée pour les identifier est graphique; elle consiste à partir
du schéma de circulation des fluides et à tracer une ligne continue et
bouclant sur elle-même, coupant tous les flux matière ou énergie
souhaités dans le bilan. Tous les flux
croisant le périmètre
du bilan ainsi tracé doivent être pris en compte, les autres qu'ils
soient à l'intérieur ou à l'extérieur du périmètre sont exclus du bilan.
3- faire un bilan matière
Pour
la matière comme pour l'énergie:
rien
ne se perd, rien ne se crée ... un bilan énergétique
réussi doit être fait sur la base d'un bilan matière exact.
4- déterminer les enthalpies, vitesse et élévations des flux
de matière
L'objectif est de déterminer pour chaque flux de matière, enthalpie,
énergie cinétique et potentielle.
Concrètement,
les énergies cinétique et potentielles sont généralement si faibles
comparées à l'enthalpie et aux flux de chaleur, que le bilan
énergétique se résume souvent à un bilan enthalpique des flux de
matière et un bilan des flux de chaleur.
5- déterminer les flux de chaleur et de travail
Les
flux de chaleur et de travail peuvent être mesurés ou bien calculés de
manière indirecte (débit de fluide chauffant, débit de combustible,
...).
6- vérifier la cohérence du bilan
Si
tous les flux ont été
mesurés ou évalués de manière indirecte, les énergies entrant
doivent être égales aux énergies sortant du système. Un écart de bilan
peut être l'indice d'une donnée erronée ou de pertes (les gains
d'énergie ne sont réalistes que dans les procédés opérant à température
inférieure à l'ambiante).