En théorie, c'est-à-dire avec un gaz parfait, la détente irréversible (isenthalpique) d'un gaz au travers d'une vanne ou d'un orifice ne provoque pas de changement de la température du gaz.
En pratique, avec un gaz réel, la détente d'un gaz sous pression
s'accompagne souvent d'un refroidissement.
C'est l'effet Joule-Thomson mis en évidence par les travaux de James
Prescott Joule et William Thomson en 1852.
Ils ont proposé la relation empirique suivante:
ΔT = 0,276 ΔP (273/T)2
avec P en atm et T en K
Cette relation n'a qu'une valeur historique; elle n'est
applicable qu'au gaz utilisé par l'expérimentateur de l'époque et aux
conditions opératoires corespondantes.
Ce phénomène ne doit pas être confondu avec la température dite "statique" d'un gaz en écoulement qui dépend de sa vitesse.
L'effet Joule-Thomson est largement utilisé pour refroidir de
nombreux gaz à de
très
bas niveaux de température, tels que leur liquéfaction devient possible.
Cependant dans certaines conditions, on peut aussi observer un
réchauffage du gaz au cours de cette détente. C'est entre autres le cas
de l'hydrogène et de l'hélium à température ambiante.
Le coefficient de Joule-Thomson
permet de
prédire ce phénomène. C'est la variation de température sur la
variation de pression à enthalpie constante: µ = (dT / dP)H
- S'il est positif, le fluide sera refroidi au cours de la détente.
- S'il est négatif, le fluide se réchauffera au cours de la détente.
Le signe et la valeur du coefficient de J-T dépendent:
- de la nature du fluide
- de sa température et de sa pression
Pour un fluide donné, le coefficient de J-T est positif dans
certaines conditions de température / pression et négatif dans
d'autres.
D'une manière générale, il diminue quand la pression augmente. C'est
pourquoi, il est préférable, pour assurer un refroidissement important,
de procéder par une succession de détentes de faible amplitude.
Le comportement d'un gaz réel lors d'une détente se déduit des diagrammes enthalpiques.
Le diagramme PH (Pression-Enthalpie) montre l'évolution de l'enthalpie d'un gaz en fonction de sa pression et de sa température:
Pour les faibles pressions et les températures très éloignées de la température critique du gaz, l'enthalpie dépend peu de la pression et dépend surtout de la température (la courbe isotherme est quasiment verticale dans le diagramme PH). La température ne changera donc pratiquement pas lors d'une détente isenthalpique. Le gaz se comporte quasiment comme un gaz parfait.
Pour les pressions élevées ou les températures proches du point critique, l'enthalpie varie avec la pression même si la température est constante (la courbe isotherme n'est plus verticale dans le diagramme PH). Une détente isenthalpique provoquera donc une variation de température du gaz.
Pour les pressions les plus élevées, la détente isenthalpique provoquera une augmentation de la température, tandis que pour les pressions plus proches du point critique, elle provoquera une diminution de la température. Le phénomène s'inverse à une certaine pression. C'est le point d'inversion du coefficient de Joule-Thomson. Il dépend bien sûr de la nature du gaz mais aussi de la température.
Le point d'inversion du phénomène est intéressant à connaitre car si l'objectif de la détente est de refroidir le gaz, il sera inutile de le porter à une pression supérieure à ce point d'inversion. On obtiendrait l'inverse du but recherché.
Le coefficient de Joule-Thomson est toujours nul pour un gaz
idéal.
Pour un gaz réel, le coefficient de Joule-Thomson est positif, négatif ou nul selon les conditions de température et pression.
Les conditions pour lesquelles il est nul est le point d'inversion.
Connaître ce point d'invertion est particulièrement important dans la conception et la conduite d'un procédé exploitant ce phénomène. Lorsque les pressions amont et aval sont fixées, il est impératif que la température du gaz soit inférieure à la température d'inversion pour obtenir un refroidissement lors de la détente.
Les conditions de cette transition peuvent être déduites d'une équation d'état des gaz réels (Van der Waals, Redlich-Kwong, Peng-Robinson, ... ).
La table ci-dessous rassemble quelques valeurs des paramètres de l'équation d'état de Van der Waals.
Composé | Tc (K) |
Pc (bar) |
a (bar.lit2/mol-2) |
b (lit/mol) |
---|---|---|---|---|
AZOTE | 126,21 | 33,9 | 1,370 | 0,0387 |
OXYGENE | 154,59 | 50,43 | 1,382 | 0,0319 |
HYDROGENE | 32,97 | 12,93 | 0,2452 | 0,0265 |
HELIUM | 5,19 | 2,27 | 0,0346 | 0,0238 |
CO2 | 304,13 | 73,75 | 3,658 | 0,0429 |
AMMONIAC | 405,5 | 113,5 | 4,225 | 0,0371 |
METHANE | 190,56 | 45,99 | 2,303 | 0,0431 |
Gunn, Chueh et Prausnitz (Cryogenics Dec 1966) ont proposé une courbe universelle, présentée en coordonnées de pression et température réduites, permettant de déterminer la température d'inversion du coefficient de J-T pour un gaz quelconque à l'exception de l'hydrogène, l'hélium et le néon.
Miller (Ind. Eng. Chem. Fundament. vol9 p585-589, 1970) en a proposé une relation empirique.
Pour toute pression inférieure à celle pour laquelle le
coefficient de J-T est nul, ce dernier sera positif. La détente
isenthalpique provoquera un refroidissement du gaz.
Pour des Tr<0,8 ou >5, le coefficient de J-T sera négatif quelle que soit la pression. Pour l'hydrogène cela donnerait:
Cette
température maximale est pour la plupart des gaz assez élevée (300°C
environ pour l'azote et l'oxygène). Elle n'est donc généralement pas
contraignante pour les opérations de refroidissement par détente
isenthalpique. Deux gaz ont cependant une température d'inversion très
basse: l'hélium et l'hydrogène.
Par exemple, pour l'hydrogène elle
de -68°C. Pour refroidir l'hydrogène par détente isenthalpique, il est
donc nécessaire de préalablement le refroidir en dessous de
-68°C.
On pourra remarquer en observant les courbes isenthalpiques de
l'hydrogène que même en refroissement préalablement l'hydrogène en
dessous de -68°C, le refroidissement occasionné par la détente reste
modeste pour toute température initiale >-200°C.
Variable | Dimension | Unité SI |
---|---|---|
µJT : coefficient de Joule-Thomson | K/bar | |
P: pression du fluide | ML-1T-2 | bar |
Vm: volume molaire du fluide | L3 | lit/mol |
T: température du fluide | K | |
a: constante de Van der Waals | lit.bar/mol² | |
b: constante de Van der Waals | L3 | lit/mol |
Cp: capacité calorifique du gaz à pression constante | J/mol.K | |
R: constante des gaz parfaits =0,08315 | bar.lit/mol.K | |
M: masse L: longueur T: temps |
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