Les liquides inflammables présentent un risque évident pour le
personnel et le voisinage des installations de stockage. Ils font donc
l'objet d'une intense réglementation.
De nombreux textes se sont juxtaposés avec le temps, principalement
consacrés au produits pétroliers. En France l'arrêté ministériel du 3
octobre 2010 a permis de remplacer les plus anciens et d'étendre la
réglementation à l'ensemble des liquides inflammables. Cet arrêté,
complexe, qui interfère sans la contredire avec la réglementation
européenne dite Seveso III, a fait l'objet d'un guide d'interprétation
en 2017 disponible sur le site
aida.ineris.fr
Définition
des liquides inflammables
On qualifie d'inflammable un liquide qui, à des températures
proches de la température ambiante, peut s’enflammer en présence :
- d’une étincelle
- d’une flamme nue (cigarette, soudage, becs
bunsen...)
- d’une surface chaude (installation de chauffage...)
Solvants, diluants, nettoyeurs, peintures, huiles... Ils sont
classés selon la température à partir de laquelle il est possible de
les enflammer (il s'agit du "point d’éclair") et selon leur tension de
vapeur.
Classement selon le règlement CLP (Classification,
Labelling, Packaging) n° 1272/2008
Catégorie |
Point éclair |
Pression de vapeur
saturante |
Exemples |
1: extrêmement inflammables |
<23°C |
>1bar abs à 35°C |
trichlorosilane
diéthyl ether
acétaldéhyde
|
2: facilement inflammables |
<23°C |
<1bar abs à 35°C |
cyclohexane
benzène
toluène
acétone
|
3: inflammables |
>23°C, <60°C |
|
styrène
acide acétique
éthylènediamine
|
Classement selon le règlement des Installations
Classées
Catégorie |
Point éclair |
Pression de vapeur
saturante |
Exemples |
A: extrêmement inflammables |
<0°C |
>1bar abs à 35°C |
pentane
diéthylether
|
B: inflammables (1ère
cat) |
<55°C |
<1bar abs à 35°C |
essence
éthanol
acétone
|
C: inflammables (2ème
cat) |
>55°C, <100°C |
|
gazole
|
D: peu inflammable
|
|
|
fuel lourd
|
Il est à noter qu'une substance combustible n'entrant dans
aucune des catégories de liquide inflammable, reste cependant soumise aux
exigences concernant les produits combustibles.
Rubriques ICPE
Le stockage de liquides inflammables peut relever des
rubriques ICPE suivantes:
Les rubriques génériques:
- 1436.
Stockage ou emploi de liquides de point éclair compris entre 60° C et
93° C, (à l'exception des boissons alcoolisées)
- 4330.
Liquides inflammables de catégorie 1, liquides inflammables maintenus à
une température supérieure à leur point d'ébullition, autres liquides
de point éclair inférieur ou égal à 60 °C maintenus à une température
supérieure à leur température d'ébullition ou dans des conditions
particulières de traitement, telles qu'une pression ou une température
élevée
- 4331.
Liquides inflammables de catégorie 2 ou catégorie 3
Les rubriques spécifiques:
- 4722.
Méthanol (numéro CAS 67-56-1)
- 4734.
Produits pétroliers spécifiques et carburants de substitution :
essences et naphtas ; kérosènes (carburants d'aviation compris) ;
gazoles (gazole diesel, gazole de chauffage domestique et mélanges de
gazoles compris) ; fioul lourd ; carburants de substitution pour
véhicules, utilisés aux mêmes fins et aux mêmes usages et présentant
des propriétés similaires en matière d'inflammabilité et de danger pour
l'environnement
- 4742.
Propylamine (numéro CAS 107-10-8)
- 4743.
Acrylate de tert-butyl (numéro CAS 1663-39-4)
- 4744.
2-méthyl-3-butènenitrile (numéro CAS 16529-56-9)
- 4746.
Acrylate de méthyle (numéro CAS 96-33-3)
- 4747.
3-Méthylpyridine (numéro CAS 108-99-6)
- 4748.
1-bromo-3-chloropropane (numéro CAS 109-70-6)
Dangerosité
Les dangers les plus courants sont les risques d’incendie et
d’explosion. Mais certains liquides peuvent aussi être nocifs à la
santé en cas d’exposition directe :
- inhalation de vapeur ou de brouillard
- ingestion
- contact avec les yeux ou la peau
D’autres encore peuvent, par exemple, au contact de matières
comburantes, produire des réactions dangereuses.
Les
vapeurs et brouillards
En libérant des vapeurs, les liquides inflammables peuvent
former des mélanges combustibles avec l’air. Si ce mélange entre en
contact avec une source d'ignition (point chaud, étincelle, flamme,
...), il peut causer un incendie ou une explosion.
Le pont éclair est un critère souvent utilisé pour évaluer le
risque d'incendie ou d'explosion. Le point éclair des substances est
directement lié à leur tension de vapeur; pour une température
inférieure au point éclair, la proportion de vapeur émise par le
liquide dans l'air ambiant est trop faible pour entretenir la
combustion; le mélange est trop pauvre.
Par contre, les brouillards fins de liquides inflammables
échappent à cette règle; ils peuvent brûler voire exploser quelle que
soit la température, en présence d’une source d’inflammation.
L’écoulement
Un écoulement peut s’étendre largement. Il est alors possible
que les liquides enflammés se diffusent par les planchers ou les
escaliers, se déversent dans les gaines ou caniveaux et atteignent les
bâtiments voisins. Les caniveaux et tuyauteries d'évacuation des
écoulements de sols devront être équipés de siphons anti-feu pour
empêcher la propagation d'un incendie.
Même après un assainissement, il se peut que des matériaux imprégnés
par les liquides, deviennent des sources d’émission de vapeurs
dangereuses.
Les
chargements et déchargements
Les
opérations de chargement et déchargement sont les plus susceptibles de
conduire à un incident. Elles sont pourtant la finalité même du
stockage et sont donc incontournables.
Les risques principaux sont:
- l'erreur de destination et les mélanges indésirables
pouvant conduire à des réactions exothermiques
- la fuite au raccordement et l'épandage de liquide
- une décharge d'électricité statique provoquant une
inflammation
Les
déchets imprégnés
Certaines substances telles que des huiles végétales peuvent réagir
lentement avec l'oxygène de l'air, en dégageant de la chaleur. Si la
ventilation est insuffisante, la chaleur s'accumule et la température
augmente jusqu'à atteindre la température d'auto-inflammation. Un feu
qualifié de spontanné se déclare pouvant se propager. On imagine
aisément ce scénario se réaliser avec des déchets abandonnés sans
surveillance dans un coin d'un atelier ou bien une réserve peu
fréquentée.
Comment
stocker les liquides inflammables
Etiquetage
Il est essentiel d’utiliser et de stocker ces liquides avec énormément
de prudence et de veiller à ce que toute personne les manipulant soit
avertie des dangers et des règles de sécurité à adopter.
Stockage
à l'extérieur des bâtiments
Les liquides inflammables doivent être entreposés à l’écart des
bâtiments de production et à l’abri des intempéries. Il est déconseillé
de stocker les fûts à la lumière du soleil. L’aménagement doit être
conforme à la réglementation en vigueur.
Stockage
à l'intérieur des bâtiments
Les liquides doivent être stockés dans des zones bien aérées, rangés
dans des armoires appropriées avec rétention, dans des contenants
adéquats et bien identifiés. Dans la mesure du possible, il convient de
conserver à l’intérieur des locaux le minimum de liquides.
Les fûts pleins doivent être déplacés à l’aide de chariots. Les
opérations de transvasement sont réalisées avec des équipements
appropriés (protections contre les risques d’électricité statique et
bidons de sécurité adaptés).
La zone de stockage défini une zone ATEX 1 et 2; Le matériel
présent
(électrique ou mécanique) doit être adapté pour ne pas être source
d'inflammation. Si les liquides inflammables sont entreposés dans des
réfrigérateurs, ces derniers doivent être spécialement conçus pour
cette utilisation. En particulier l'équipement électrique interne doit
être adapté à une zone 1 ATEX.
Les bâtiments abritant les liquides inflammables seront
construits pour résister à un incendie et seront conçus pour limiter la
propagation d'un feu.
Des
moyens de première intervention devront être disponibles et adaptés aux
produits stockés. Une détection incendie devra permettre d'alerter du
personnel d'intervention compétent.
Stockage en
vrac
Pour de grandes quantités de liquide à stocker, le stockage en vrac
permet un transfert par pompe et tuyauteries pour l'approvisionnement
ou la distribution du liquide vers les postes utilisateurs.
Pour des volumes de stockage faibles, le stockage peut être aérien ou
enterré.
Les stockages enterrés sont:
- protégés des agressions extérieures
- moins exposés aux risques d'incendie
mais:
- plus complexes à installer
- plus difficiles à surveiller (fuites, corrosion, ...)
Les réservoirs aériens peuvent être des cylindres horizontaux ou
verticaux.
Les cylindres horizontaux qu'on nomme alors
"ballons", de
faible capacité, sont fermés à leur extrémité par des fonds bombés, et
résistent mieux à la pression interne.
Les cylindres verticaux, de grande capacité, sont souvent à fond plat
posé au sol. Ils peuvent être muni d'un toit fixe, bombé ou conique, ou
simplement d'un toit flottant à la surface du liquide. Ils ne
supportent qu'une pression interne extrêmement faible.
Les cylindres horizontaux peuvent être surélevés et supportés
par une
charpente. Celle-ci devra alors résister à un incendie venant du sol,
afin de ne pas aggraver la situation en s'affaissant.
Pour limiter l'échauffement des réservoirs voisins d'un incendie, ils
devront être espacés d'une distance d'autant plus grande que le
diamètre des réservoirs est grand; par exemple:
- espacement de 10 mètres si le diamètre des réservoirs est
de 10 à 30 mètres
- espacement de plus de 20 mètres si le diamètre des
réservoirs est de 40 mètres et plus
Pour prévenir le surremplissage, les réservoirs de stockage devront
être équipés, en plus d'une mesure de niveau continue utile à
l'exploitation, d'une alarme de niveau haut indépendante déclenchant
éventuellement une action automatique pour stopper le remplissage.
Si le remplissage est entièrement automatique, une seconde alarme de
niveau très haut devra stopper automatiquement le remplissage.
Rétention
Pour des volumes importants, les bacs de stockage seront aériens, et
disposés dans une rétention.
La rétention peut être une cuvette de faible hauteur mais grande
surface au sol. Plusieurs bacs peuvent être disposés dans une même
cuvette. La réglementation française prévoit que la cuvette de
rétention doit être capable de contenir l'épandage du volume du plus
gros réservoir, ou 50% de la capacité de l'ensemble des réservoirs.
La
rétention peut aussi être une deuxième paroi en métal ou en béton,
entourant
le bac à quelques mètres de distance, et d'une hauteur équivalente à
celle du bac à contenir.
La
rétention peut être éloignée des bacs de stockage mais en communication
avec l'environnement des bacs de manière à recevoir gravitairement le
produit d'un épandage. On parle alors de "
cuvette déportée".
En cas d'incendie cela permet de mieux préserver l'intégrité des
stockages eux-même.
Stockage
en contenants
Pour de faibles quantités de liquide à stocker, l'utilisation de
contenants permet une plus grande de souplesse de manipulation.
Les contenants doivent être facilement déplaçables. Leur volume sera
adapté à l'usage auquel il est destiné. On trouvera des cubitainer de 1
m3, des fûts de 50 et 200 litres, des bidons de 0,5 à 5 litres, ....
Le risque principal est l'épandage de liquide pouvant
s'enflammer consécutif à une rupture du contenant.
Pour s'en prémunir:
- Dans tous les cas, les matériaux fragiles (verre, matière
plastique cassante) seront proscrits.
- Des moyens de manipulation adaptés seront mis à disposition
du personnel
- L'entreposage sera à l'abri du soleil pour limiter les
fortes variations de température qui peuvent fragiliser le contenant
(mise en pression en journée et en dépression la nuit).
Prévention
des incendies
Equipements
ATEX
Un plan des zones où une atmosphère potentiellement explosive (ATEX)
peut être présente doit être établie par l'exploitant. Tout matériel
présent et susceptible de devenir une source d'inflammation (matériel
électrique, matériel mécanique, surfaces chaudes) doit être adapté.
Electricité
statique
Pour prévenir l'accumulation d'électricité statique, le remplissage en
pluie est interdit, et seuls seront autorisés les remplissages
- coulant le long de la paroi,
- par tube plongeant,
- par le pied de bac
Pour éviter la formation d'une étincelle de décharge électrostatique,
tout élément raccordé ou introduit dans le bac de stockage sera
préalablement relier électriquement avec le bac lui-même afin
d'équilibrer les potentiels électriques et électrostatiques. Ceci
concerne les tuyauteries (remplissage et vidange), les véhicules
(camion citerne), les moyens de jaugeage (pige), ....
Aucune opération de jaugeage manuel ou de prise d'échantillon ne doit
être effectué pendant le remplissage. Un délai dit "
de relaxation" doit
être respecté pendant lequel les éventuelles charges électrostatiques
accumulées pourront s'évacuer.
Travaux à feu
Les travaux utilisant une flamme, ou générant des étincelles,
dispersant du métal incandescent, ...) doit être proscrit, ou très
encadré (permis de feu).
Les fumeurs sont interdit à proximité, tout comme les équipements
électroniques non adaptés à la zone ATEX (téléphones portables,
appareils photo, ...)
Inertage
L'inertage
d'un réservoir de stockage consiste à remplacer l'air présent dans le
ciel gazeux au-dessus du liquide par un gaz n'entretenant pas la
combustion. On utilise généralement de l'azote.
L'introduction de gaz
inerte doit répondre à la respiration du bac. Pendant sa vidange, du
gaz doit être introduit pour compenser l'augmentation du ciel gazeux,
tandis que pendant le remplissage, il est évacué. Il est recommandé
d'utiliser un gaz non combustible et non toxique.
L'introduction de gaz
inerte est généralement déclenché par une mesure de pression, le
réservoir étant constamment maintenu en légère surpression par rapport
à l'atmosphère extérieure.
Lutte
contre l'incendie
Les feux de liquides inflammables brûlent très rapidement en libérant
beaucoup de chaleur. Pour les éteindre, l’eau seule s’avère souvent
inefficace et peut même aggraver le sinistre. L'extinction des feux de
cuvette de rétention fera appel un tapis de mousse produit par mélange
d'eau et d'un émulseur, et projetté par une lance, un canon ou une
boite à mousse. La mousse crée une barrière empêchant l'oxygène de
l'air d'entrer en contact avec le liquide combustible.
L'émulseur
doit être adapté au liquide combustible présent; on distinguera ceux
adaptés aux combustibles miscible à l'eau de ceux qui sont adaptés aux
combustibles non miscibles à l'eau.
Refroidissement
des réservoirs voisins
Les
réservoirs voisins d'un incendie sont soumis à des flux de chaleur
importants qui contribuent à élever la température du liquide contenu
et à aggraver le sinistre si le contenu est également inflammable. Leur
refroidissement sera assuré par un arrosage des parois exposées au
rayonnement. Les débits retenu par la réglementation française sont: 1
litre /mn par m² de surface exposée, ou 15 litres /mn par mètre de
circonférence du réservoir.
Rétention
des eaux incendie
La
lutte contre un incendie implique l'utilisation d'une grande quantité
d'eau, qui peut être polluée par les substances sources de l'incendie.
Pour éviter d'aggraver le sinistre par une pollution du milieu naturel,
il est nécessaire de permettre le confinement de ces eaux en vue d'un
traitement ultérieur. Ce confinement peut être assuré par des barrages
temporaires en matières polymère, peu résistants à la chaleur; ils
devront alors être aménagés dans une zone où le rayonnement thermique
de l'incendie est modéré.