Dans les processus industriels, la compression des gaz est
utilisée pour transférer un gaz depuis une zone à basse pression vers
une zone à haute pression. Cette compression est obtenue par réduction
du volume du gaz par un moyen mécanique. La compression du gaz
s'accompagne d'une augmentation de sa température aussi souvent nommée
chaleur de compression. Cette augmentation de température en provoquant
la dilatation du gaz contribue elle
aussi à l'augmentation de pression. Ceci est représenté par la relation
de Laplace:
PVk = constant
Le coefficient k
représente l'effet de la température sur l'évolution de la pression.
Plus la valeur de k
est grande, plus l'augmentation de température du gaz est grande, et
plus grande est son effet sur l'évolution de la pression et mais aussi
plus grande sera l'énergie nécessaire pour réduire le volume du gaz.
On a
l'habitude de distinguer les modes de compression suivants:
Isotherme:
k = 1 : La température est constante.
Le compresseur
est continuellement refroidi afin que la température du gaz sortant
soit égale à celle du gaz entrant. La pression du gaz évolue de telle
manière que le produit P.V est constant. Ce mode correspond à une
transformation infiniment lente pour permettre l'élimination continue
de la chaleur.
Isentropique:
k = γ : Le
compresseur n'échange pas de chaleur avec l'extérieur
(compression adiabatique) et la compression se fait sans perte ni
frottement. Le gaz sortant sera
plus chaud que le gaz entrant. L'augmentation de température contribue
également à l'augmentation de pression. La pression du gaz suit la loi
de Laplace:
PVγ = constant
Polytropique adiabatique:
k > γ : Le
compresseur n'échange pas de chaleur avec l'extérieur
(compression adiabatique) mais la compression se fait avec pertes,
recyclages et frottements qui
conduisent à transformer une partie de l'énergie fournie en chaleur
transférée au gaz. Ceci est représenté par un rendement ηp.
L'augmentation
de température du gaz est donc plus importante que dans le cas
isentropique. Elle conduit à une augmentation plus rapide de la
pression. La pression du gaz suit la loi de Laplace généralisée:
PVk = constant
avec
k tel que:
Polytropique refroidie:
k < γ : Le compresseur échange de la chaleur avec
l'extérieur. Selon
l'intensité de cet échange la valeur de k pourra être comprise entre 1
et γ. L'évolution de la pression sera alors moins rapide que
l'évolution isentropique.
L'énergie théorique à fournir au compresseur est indépendante
de la
technologie du compresseur.
Elle ne dépend que de la nature du gaz, des conditions opératoires et
de la manière dont est gérée la chaleur de compression.
Attention:
les notations utilisées ici sont celles généralement employées dans les
documents français. Dans la littérature anglo-saxonne γ est souvent
remplacé par k et k par n, ce qui est source de confusions.
Répartition
du travail de compression
Répartition du travail de
compression
With Wis
Wp : énergie
théorique consommée par le compresseur compte tenu de l'évolution
réelle (Wp) ou théorique (Wis
ou
With) de la température du gaz
Wf : énergie dégradée due aux
fuites internes et
frottements qui
est transférée au gaz sous forme de chaleur ou bien évacuée par le
refroidissement
Wc : énergie transmise au gaz par
la machine
Wa : énergie fournie par le moteur
à l'arbre du
compresseur
L'énergie
fournie au compresseur est utilisée pour:
- vaincre les frottements des pièces mécaniques en mouvement
(paliers, joints, engrenages, ...)
- vaincre les frottements visqueux du gaz ou compenser les
fuites internes,
- réduire le volume du gaz et augmenter sa pression
Cette
dernière est la seule efficace pour le procédé, Mais la machine a
besoin qu'on lui fournisse la totalité de l'énergie nécessaire pour
accomplir sa tâche.
Représentation
des gaz
Par souci de simplification des calculs, le comportement des gaz peut
être représenté comme un
gaz
parfait, un
gaz
idéal ou un
gaz
réel.
Un
gaz parfait comme
un
gaz idéal
suit la relation: PV = nRT
Pour un
gaz parfait,
les capacités calorifiques Cp et Cv sont des constantes, tandis que
pour un
gaz idéal
elles sont fonction de la température.
Un
gaz réel
se distingue d'un
gaz
parfait ou
idéal
par la variation du facteur de compressibilité "z".
Il suit alors la relation: PV = znRT
La
représentation d'un gaz réel nécessite la résolution d'équations d'état
et n'est possible que dans des programmes de calcul complexes.
La
représentation des gaz comme un gaz idéal est généralement
satisfaisante tant que la pression est basse (Pref<50 bars).
Pour
des pressions supérieures, la simulation du comportement réel du gaz ou
l'utilisation des grandeurs thermodynamiques devient nécessaire.
Travail
de compression
Une
machine réelle fonctionne toujours selon un processus polytropique,
adiabatique ou bien partiellement refroidi, selon la technologie du
compresseur. C'est donc la seule manière réaliste de calculer le
travail de compression. Une machine réelle n'étant pas parfaite, il est
d'usage de considérer un rendement énergétique de compression global
appelé rendement polytropique (η
p). C'est une
caractéristique de la machine, généralement garanti par le
constructeur. Il est indépendant des conditions opératoires.
Les
autres modes de compression courants, isotherme ou isentropique, sont
purement théoriques. Il est d'usage de calculer des rendements associés
qui ne sont que le rapport d'un travail théorique au travail réel qui
est le travail polytropique. Ce ne sont pas des caractéristiques du
compresseur et leur valeur varie avec les conditions opératoires.
Travail
de compression polytropique
L'expression la plus générale du travail de compression d'une machine
réelle est celle
du travail polytropique. La valeur de l'exposant polytropique k peut y
prendre une valeur quelconque >1 si le compresseur est
partiellement refroidi. C'est typiquement le cas des compresseurs à
piston dont les cylindres peuvent être munis d'ailettes ou d'une double
enveloppe dans laquelle circule un fluide de refroidissement.
Si le compresseur est refroidi, la valeur de k est déduite du profil de
pression et de température:
La dégradation d'énergie dans les recyclages, les frottements visqueux
du gaz est représentée par le facteur de rendement polytropique η
p.
Cette énergie dégradée est convertie en chaleur supplémentaire apportée
au gaz.
Le rendement polytropique est une caractéristique intrinsèque
du compresseur qui ne dépend pas des conditions opératoires.
L'augmentation réelle de température du gaz comprimé sans
échange thermique avec l'extérieur est donnée par:
Travail
de compression polytropique adiabatique
Dans le cas particulier d'une compression sans échange de chaleur avec
l'extérieur (adiabatique)
Ceci est typiquement le cas des compresseurs centrifuges.
L'augmentation de température est donnée par:
Si la compression en plus d'être adiabatique est sans perte par recycle
interne ni
frottement contribuant à l'augmentation de température du gaz (ηp
=1), la compression est alors dite isentropique.
Le
travail isentropique est l'énergie théorique consommée par une machine
parfaite qui n'échange pas de chaleur avec l'extérieur.
Le rendement
isentropique, qui est le rapport du travail
isentropique sur le travail réel, caractérise l'efficacité d'une
opération de compression. Ce n'est pas une caractéristique du
compresseur. Il varie avec le taux de compression.
Le travail de compression isotherme est la quantité d'énergie
théorique consommée par une machine parfaite, lorsque le
refroidissement
est tel que la température du gaz reste constante.
Le rendement
isothermique, qui est le rapport du travail
isothermique sur le travail réel, caractérise l'efficacité d'une
opération de compression. Ce n'est pas une caractéristique du
compresseur.
C'est le mode de compression qui demande le moins d'énergie.
On s'en
approche dans un compresseur à anneau liquide, ou bien en multipliant
les
étages de compression avec refroidissement intermédiaire.
En
application
des équations ci-dessus, le graphe ci-contre donne l'évolution du
travail de compression et de la température de refoulement pour un
compresseur fonctionnant selon le mode polytropique adiabatique.
En pratique on limitera le taux de compression pour que la
température au refoulement reste <250°C.
Utilisation
des grandeurs thermodynamiques
L'évolution
du gaz dans un compresseur se traduit par une évolution des grandeurs
thermodynamiques le caractérisant (enthalpie, entropie,pression,
température). Ces grandeurs sont disponibles dans des tables ou des
diagrammes (diagrammes de Mollier) pour les corps purs, ou sont
calculés par des équations d'état. L'utilisation de ces grandeurs
thermodynamiques est le seul moyen d'obtenir un résultat précis et
fiable pour un gaz réel qui s'écarterait sensiblement du comportement
d'un gaz idéal.
Les diagrammes
Diagramme H-S
Diagramme P-H
Les
diagrammes en coordonnées Enthalpie (H) en fonction de l'entropie (S)
sont les plus souvent cités pour représenter le fonctionnement d'un
compresseur.
Les propriétés du gaz sont déterminées par le point
d'intersection des courbes de pression (isobare) et de température
(isotherme). L'enthalpie et l'entropie sont lues sur les axes vertical
et horizontal.
Cependant les diagrammes HS sont peu publiés et sont
donc difficiles à obtenir à moins de les faire tracer soi-même au moyen
d'un logiciel spécialisé. Par contre les diagrammes dits PH ayant en
coordonnées la pression (P) en fonction de l'enthalpie (H), sont assez
largement diffusés et peuvent également être employés.Les propriétés du
gaz sont déterminées par le point d'intersection des
courbes d'entropie (isoentropique) et de température (isotherme).
L'enthalpie et la pression sont lues sur les axes horizontal
et vertical.
Dans l'exemple présenté ici:
Du méthane pris à 50°C et 1 bar est comprimé à 2 bars.
Travail isentropique
Le
fonctionnement idéal du compresseur (compression isentropique) est
représenté par une évolution sur l'axe vertical. Connaissant la
pression de refoulement, on en déduit la température et le travail
absorbé. Le travail du compresseur est la différence d'enthalpie entre
les points correspondants à l'aspiration et au refoulement. La
détermination de la température pourra nécessiter une interpolation si
le point tombe entre deux courbes isothermes.
Dans l'exemple présenté ici:
Enthalpie du gaz à l'aspiration = 55 kJ/kg
Enthalpie du gaz au refoulement si la compression est isentropique =
180 kJ/kg
Travail de compression isentropique = 180 - 55 = 125 kJ/kg
Température théorique de refoulement = 103°C
Travail réel
Le
compresseur réel diffère du compresseur idéal par un travail absorbé et
une température de refoulement supérieurs. Le point représentatif du
refoulement se trouve à l'intersection de l'isobare et de l'isotherme.
Là encore une interpolation pourra être nécessaire. Le travail
réellement absorbé est obtenu en faisant la différence entre les
enthalpies de l'aspiration et du refoulement.
Dans l'exemple présenté ici:
Température théorique de refoulement = 120°C
Enthalpie du gaz à l'aspiration = 55 kJ/kg
Enthalpie du gaz au refoulement = 220 kJ/kg
Travail de compression isentropique = 220 - 55 = 165 kJ/kg
Rendement
Le rendement est obtenu par le rapport travail idéal (isentropique) /
travail réel.
Il pourrait tout aussi bien être calculé en se basant sur
l'échauffement du gaz:
(Tref isent - Tasp) / (Tref réel - Tasp)
Ce rendement est le rendement isentropique de la machine.
Dans l'exemple présenté ici:
Rendement isentropique = 125 / 165 = 76%
ou bien
(103 - 50) / (120 - 50) = 76%
Bilan
thermique
Le travail de compression d'un gaz produit une augmentation
équivalente de l'enthalpie du gaz. On peut donc écrire le bilan suivant:
avec
Q:
chaleur échangée par le compresseur (compresseur refroidi)
Cp peut
être obtenu de la littérature ou bien calculé avec la relation de Mayer.
Résolution
de problèmes courants
Calcul
de la puissance d'un compresseur centrifuge
Un
compresseur centrifuge doit amener 1000kg/h d'air (M=29g
Cp/Cv=1,4 Tasp=20°C) de la pression atmosphérique (1000 hPa)
à
une pression de 2bars eff. Le constructeur du compresseur annonce une
efficacité polytropique de 75% et un rendement mécanique de 98%.
Un
compresseur centrifuge ne permet pas d'échange de chaleur.
Son
mode de fonctionnement est donc polytropique adiabatique.
Travail de compression:
Wc = 8,3145 x (20+273,15) x 1,4 / (1,4 - 1) x
{(3/1)^[(1,4-1)/1,4/0,75]-1} = 4434 J/mole
Puissance de compression:
Pc = 4434 x 1000/29 / 3600 = 42,5 kW
Puissance à fournir à l'arbre du compresseur:
Pa = Pc / 0,98 = 43,3kW
Température du gaz au refoulement:
Tref = (20+273,15) x (3/1)^[(1,4-1)/1,4/0,75] - 273,15 = 172,4°C
on peut vérifier le bilan thermique:
Cp = 8,3145 x 1,4/(1,4-1) = 29,1 J/K/mole
Wc = 29,1 x (172,4 - 20) = 4434 J/mole
Calcul
du rendement d'un compresseur alternatif refroidi
Un
compresseur alternatif refroidi amène 1000kg/h d'air (M=29g
Cp/Cv=1,4
Tasp=20°C) de la pression atmosphérique (1000 hPa) à une pression de
2bars eff. Le gaz est refoulé à une température de 130°C. Un bilan
thermique sur le circuit de refroidissement montre un transfert de 10kW.
Valeur de l'exposant polytropique:
k = ln(3/1) / [ln(3/1) - ln((130+273,15)/(20+273,15))] = 1,41
Bilan thermique du compresseur:
Cp = 8,3145 x 1,4/(1,4-1) = 29,1 J/K/mole
Wc = 29,1 x (130-20) + 10 x 3600 / 1000 x 29 = 4245 J/mole
Rendement polytropique du compresseur:
= 8,3145 x (20+273,15) x 1,41 / (1,41 - 1) x {(3/1)^[(1,41-1)/1,41]-1}
/ 4245 = 74,3%
Efficacité par rapport à l'isentropique:
= 8,3145 x (20+273,15) x 1,4 / (1,4 - 1) x {(3/1)^[(1,4-1)/1,4]-1} /
4245 = 74,1%