Les coups de bélier (water hammer en
anglais) sont
des chocs
apparaissant dans les canalisations lors de certaines phases
opératoires.
Un coup de bélier est une onde de pression apparaissant à la
suite d’un mouvement brusque de liquide et se propageant le long d’une
canalisation. Cette onde provoque localement une surpression, des
bruits violents, des mouvements de
la canalisation pouvant conduire à des ruptures.
Les causes peuvent être multiples, mais on peut les classer en
deux catégories:
- les coups
de bélier d'origine mécanique: ils sont dûs à la
décélération brusque d'un flux liquide dans
une tuyauterie suite par exemple à la fermeture rapide d'une vanne de
sectionnement, ou à l'arrêt d'une pompe
- les coups
de bélier d'origine thermique: ils apparaissent
lors de la mise en contact d'un liquide froid avec un gaz ou une vapeur
capable de se condenser rapidement dans le liquide. La disparition du
volume gazeux provoque une aspiration brutale du liquide qui est ainsi
violemment mis en mouvement et brutalement stoppé par une paroi, un
coude ou tout autre obstacle.
Le
premier type a été largement étudié et modélisé, de telle sorte qu'il
est prévisible et donc évitable par une conception adaptée de
l'installation. Le second type présente le plus souvent un caractère
aléatoire et sa solution relève le plus souvent de l'expérimentation.
Coups
de bélier d'origine mécanique
Arrêt
d’une pompe
Lors
de l'arrêt d'une pompe la masse de liquide dans la tuyauterie de
refoulement ne s’arrête pas instantanément, en raison de l'énergie
cinétique acquise. Il se crée un vide à l’arrière de la
colonne de
liquide. Le vide créé peut même provoquer la vaporisation du liquide
créant un volume gazeux à l’arrière de la colonne de liquide. Lorsque
la colonne de liquide s’est enfin arrêtée, le vide provoque un rappel
du liquide dans le sens inverse. Celui-ci vient buter sur le clapet de
refoulement de la pompe. L’énergie de la colonne de liquide
est
ainsi dissipée en un choc violent.
Démarrage
d’une pompe
Lors
du démarrage d’une pompe, la colonne de liquide dans les tuyauteries, à
l’aspiration comme au refoulement, doit être accélérée à la vitesse de
pointe et donc requiert un surcroît de pression qui est souvent un
ordre de grandeur au dessus de la contre-pression. Celui-ci
dépend de la masse qui doit être accélérée, de la vitesse maximum à
atteindre et du temps pris par la pompe pour atteindre son régime
normal.
Fermeture
d'une vanne de sectionnement
Initialement
le liquide s'écoule avec une vitesse uniforme dans la tuyauterie. Une
vanne est fermée brusquement à l'extrémité de la tuyauterie qui stoppe
instantanément le liquide au voisinage de celle-ci. L'inertie du
liquide provoque son accumulation et comme il est peu compressible, la
pression augmente en amont de la vanne. L'accumulation progressive de
liquide génère une onde de pression qui remonte la tuyauterie à une
vitesse qui peut atteindre 1000m/sec. Si un réservoir est présent en
amont, la surpression présente dans la tuyauterie générera un débit
inverse qui provoquera une nouvelle onde de pression, négative cette
fois en amont de la vanne toujours fermée.
Accumulation
de condensats de vapeur
Une
vapeur transférée dans un état proche de ses conditions de
condensation, peut produire des condensats liquides le long des
tuyauteries. Celles-ci doivent normalement être installées en
respectant une pente permettant l'écoulement et l'évacuation du
liquide. Cependant, un défaut de supportage, des accidents de
tuyauterie mal conçus ou mal installés peuvent parfois permettre
l'accumulation de ces condensats. La vitesse du gaz peut alors former
des vagues et des bouchons liquides qui sont alors entrainés dans la
tuyauterie à la vitesse du gaz. Ces bouchons liquides vont venir
s'écraser contre la paroi de la tuyauterie dans un coude ou un té,
libérant son énergie cinétique sous forme de mouvements de la
tuyauterie.
Conséquences
de la fermeture d'une vanne
Le
liquide s'écoulant dans une tuyauterie avec une certaine vitesse
possède une certaine énergie cinétique. Lors de la fermeture brutale
d'une vanne, le liquide tend à poursuivre son mouvement d'écoulement
sous l'effet de son inertie. La sortie du liquide étant impossible, le
liquide tend à s'accumuler en amont de la vanne fermée. Le volume
disponible de la tuyauterie étant fixe, la pression augmente en amont
de la vanne. Cette augmentation de pression n'est pas instantannée tout
au
long de la tuyauterie. Elle est concentrée d'abord près de la vanne,
mais concerne une longueur de tuyauterie de plus en plus grande avec
l'accumulation de liquide. Un front de surpression progresse ainsi vers
l'amont jusqu'à l'origine de l'écoulement. Par la suite, le liquide
accumulé dans la tuyauterie et ayant atteint une pression supérieure à
la pression d'équilibre s'écoule en sens inverse. Cet écoulement
inverse provoque une dépression en amont de la vanne toujours fermée,
qui sera le moteur d'un nouveau flux de liquide vers la vanne. Un
processus oscillatoire se met en place avec une alternance de
surpressions et de dépressions en amont de la vanne fermée.
Déroulement d'un coup de bélier suite à la fermeture
d'une vanne
Dans
son état initial un liquide est en écoulement dans une tuyauterie. La
pression est sensiblement constante (la perte de charge est ici
négligée). |
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La
vanne en bout de la tuyauterie est fermée rapidement. Le liquide en
écoulement, ayant une certaine vitesse, possède une énergie cinétique
qui le propulse vers l'extrémité obturée de la tuyauterie. Le liquide
étant peu compressible et la tuyauterie étant peu élastique, la
pression augmente rapidement dans le tronçon de tuyauterie recevant cet
excès de volume.
Un front de pression se forme, se déplaçant vers
l'amont à une vitesse qui dépend de l'énergie cinétique du liquide, et
des propriétés mécaniques du liquide et de la tuyauterie. |
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Lorsque
le front de pression atteint l'origine de la tuyauterie, à l'endroit où
la vitesse du fluide est nulle, il cesse de progresser. |
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Le
liquide accumulé dans la tuyauterie, à une pression supérieure,
commence à refluer vers l'amont. Un nouveau front de pression apparait,
se déplaçant vers l'aval. |
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Après
l'évacuation de la totalité de l'excès de liquide, la tuyauterie
retrouve sa pression d'équilibre avec le réseau
d'alimentation.Cependant le liquide en mouvement a acquis une énergie
cinétique qui maintient le mouvement de reflux. |
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Le
mouvement de reflux continuant grâce à l'énergie cinétique acquise, un
front de dépression se développe en arrière de l'écoulement de liquide. |
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Lorsque
l'écoulement cesse, la tuyauterie est à une pression inférieure à celle
du réseau qui l'alimente. Elle peut donc être de nouveau remplie de
liquide. |
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Le
remplissage de la tuyauterie s'accompagne d'un rétablissement de la
pression d'équilibre avec le réseau qui l'alimente. Un front de
pression apparait, se déplaçant vers l'aval. |
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Bien
que la pression de la tuyauterie ait atteint un état d'équilibre avec
le réseau qui l'alimente, le liquide continue son mouvement sous
l'effet de l'énergie cinétique acquise.
Le système se retrouve dans
la même situation qu'immédiatement après la fermeture de la vanne. Ce
cycle peut ainsi être reproduit à l'infini. |
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Une
variation brusque de la vitesse du liquide dans une canalisation
entraîne une brusque variation de pression. Par exemple, la fermeture
rapide d'une vanne provoquera un pic de pression qui peut dépasser la
limite admissible par certains éléments de la canalisation.
La
valeur maximum de pression atteinte dépend de la nature du liquide, de
sa vitesse initiale avant la perturbation
et des caractéristiques de la tuyauterie. Elle peut être
calculée
par
l'équation de Joukowsky. Elle fait appel à la vitesse de propagation de
l'onde de pression dans l'ensemble fluide et tuyauterie. Dans le fluide
seul, elle est égale à la vitesse du son dans ce milieu.
La
tuyauterie elle-même joue un rôle important dans cette propagation. La
flexibilité de la paroi intervient pour modifier la vitesse de
propagation de l'onde. Plus la tuyauterie sera flexible plus lente sera
la propagation. La vitesse de propagation de l'onde peut être calculée
par l'équation de Korteweg, et fait intervenir les modules d'élasticité
du fluide et du matériau constitutif de la paroi de la tuyauterie,
ainsi que le diamètre du tuyau et l'épaisseur de sa paroi.
Moins le matériau sera flexible (module d'élasticité plus
élevé), plus la tuyauterie sera rigide.
La rigidité de la tuyauterie augmente pour un diamètre plus
faible et une épaisseur plus grande.
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Module
d'élasticité des
liquides
[GPa,
109N/m2] |
Acétone |
0,92 |
Tétra chlorure de carbone |
1,32 |
Alcool éthylique |
1,06 |
Essence |
1,3 |
Glycérine |
4,35 |
Mercure |
28,5 |
Huile de paraffine |
1,66 |
Huile lubrifiante |
1,5 |
Eau de mer |
2,34 |
Eau douce |
2,15 |
pour liquide= eau
et D/e=10 - 100
|
Module d'élasticité
[GPa] |
c
[m/sec] |
Acier |
200 |
1000 - 1300 |
Cuivre |
100 |
800 - 1300 |
Fonte |
150 |
900 - 1300 |
Verre |
70 |
700 - 1200 |
Béton |
20 - 50 |
500 - 1000 |
Polyéthylène |
0,2 - 0,7 |
70 - 200 |
PVC |
3 |
150 - 500 |
Polyamide |
0,9 -1,2 |
100 - 300 |
Prévention
des coups de bélier
La surpression générée par l'interruption du débit dépend de la vitesse
initiale du fluide et de la vitesse de décroissance.
Volant d’inertie sur la pompe
qui augmente les temps de démarrage et d'arrêt.
Vitesse de fermeture du clapet anti-retour
Au
refoulement d'une pompe, suite à son arrêt, une fermeture rapide du
clapet anti-retour empêchera le mouvement inverse du liquide; une
fermeture lente limitera le développement d'une surpression si le
retour inverse du liquide est inévitable. Le choix entre ces deux
options sera fonction de la configuration du système.
Contrôle de la vitesse de manoeuvre des vannes
La décroissance
du débit peut être ralentie en ralentissant la manoeuvre de la vanne.
La relation de Michaud permet d'en évaluer l'effet. Cette relation
suppose une décroissance linéaire de la vitesse. Cependant l'évolution
du débit en fonction du mouvement de la vanne n'est généralement pas
linéaire. Par exemple la fermeture d'une vanne papillon fait passer le
débit de 90 à 10% pour une ouverture de 65 à 15%. La diminution de
débit est donc environ deux fois plus rapide (de 9 à 1) que le
mouvement lui-même (de 4,3 à 1).
Protections
contre la surpression
Accumulateur
C'est
un ballon dont la partie inférieure contient du liquide et la partie
supérieure est remplie d'un gaz éventuellement isolé du liquide par une
membrane. En cas de dépression dans la tuyauterie, le liquide de
l'accumulateur s'écoule tandis qu'en cas de surpression le ballon se
rempli.
Chambre ou cheminée d’équilibre
Récipients ouverts à l'atmosphère et disposés en hauteur.
Réservoir d'alimentation
Un
réservoir est disposé en hauteur et relié à la tuyauterie à protéger au
travers d'une vanne. Celle-ci ne s'ouvre que si la pression dans la
tuyauterie chute. Le réservoir est rempli par un by-pass de la vanne
d'isolement.
Entrée d’air par ventouse
Lorsqu'une dépression se
produit la ventouse permet l'entrée d'air extérieur pour empêcher le
collapse de la tuyauterie. La ventouse peut aussi jouer le rôle purgeur
pour évacuer une poche d'air.
Soupape de décharge
Elle dérive le liquide hors de la conduite principale en cas de
surpression.
Coups
de Bélier d'origine thermique
Mise
en présence de liquide froid et d'une vapeur condensable
Si,
par la configuration des tuyauteries, une vapeur condensable est mise
en présence de liquide froid (dans lequel la vapeur peut se
condenser) une soudaine condensation de la vapeur provoquera une
dépression brutale qui provoquera dans la tuyauterie un déplacement de
liquide avec une vitesse importante. Ce déplacement est source
d'énergie cinétique, de déplacements de tuyauteries. Pour éviter cela,
il faut veiller à ce que la tuyauterie soit en toute circonstances
pleine de liquide et empêcher la vapeur d'y pénétrer.
Ce
phénomène assez fréquent dans les réseaux de vapeur et de condensats,
peut également se rencontrer dans des circuits procédé tels que
l'alimentation d'une colonne de distillation.
Il ne peut se produire
que dans des éléments de tuyauterie proches de l'horizontale. Il passe
par la formation d'une poche de vapeur. Ceci-ci n'est pas possible dans
une tuyauterie verticale, la gravité permettant de maintenir
parfaitement séparés liquide et vapeur. La formation d'une poche de
vapeur semble n'être possible que pour des inclinaisons inférieures à
4%.