La distillation est un moyen très courant de séparation de liquides basé sur la différence de volatilité de ses composants.
Volatilité des liquides
Tout
liquide se met en équilibre avec sa vapeur. La pression partielle de
cette vapeur dans l'atmosphère environnante est appelée tension de
vapeur du liquide. La tension de vapeur d'un liquide dépend de sa
température. Plus sa température est élevée, plus importante sera sa
tension de vapeur. Lorsque la température est telle que la tension de
vapeur est égale à la pression totale environnant le liquide, le
liquide est à son point d'ébullition.
Les liquides les plus volatils ont:
- les tensions de vapeur les plus élevées à même température,
- ou les températures d'ébullition les plus faibles à même pression.
Il est courant de désigner les composants les plus volatils commes
légers, et les composants les moins volatils comme
lourds.
Les
mélanges de liquides sont en équilibre avec un mélange de vapeurs. La
composition de la vapeur dépend de la nature des composants et de la
composition du liquide. En règle générale la vapeur est plus riche que
le liquide en composant plus volatil. C'est pourquoi une succession de
vaporisations et de condensation va permettre d'enrichir
progressivement les vapeurs en composant le plus volatil; c'est le
principe de la distillation.
L'enrichissement de la vapeur en
composant le plus volatil est d'autant plus rapide que la différence de
volatilité est grande entre les composants. On désigne par volatilité
relative le rapport des tensions de vapeur de deux composants à une
même température. Il est également courant de quantifier la difficulté
de séparation de deux composants par l'écart de leur température
d'ébullition.
Distillation simple
La distillation simple
consiste simplement à chauffer le mélange à séparer pour générer des
vapeurs et à les condenser. On peut aussi nommer cette opération
évaporation.
Elle peut être suffisante pour séparer des composants ayant une très grande différence de volatilité, tels que:
- un solvant et un résidu (recyclage de solvants)
- de l'eau et un sel (concentration de solutions salines)
Une distillation simple peut être pratiquée dans tout équipement chauffé tels que:
- un réacteur chauffé par double enveloppe
- un échangeur de type kettle
- un rebouilleur à thermosyphon
- un échangeur à film tombant
- un échangeur à film raclé
- ...
Distillation fractionnée
La
distillation simple ne permet de séparer que des composants dont les
volatilités sont très différentes. Pour séparer des composants dont les
volatilités sont proches, il faut utiliser une colonne de
rectification. Il s'agit d'une colonne munie d'internes dont le but est
d'assurer un contact intime entre les vapeurs venant du rebouilleur et
le liquide redescendant du condenseur (
reflux).
Ce contact intime entre vapeur et liquide le long de la colonne agit
comme une cascade de distillations simple pemettant d'enrichir
progressivement vers le haut, les vapeurs en composant le plus volatil
et progressivement vers le bas, le liquide en composants les plus
lourds.
Pour une colonne très efficace, il est ainsi possible d'obtenir
en tête de colonne, le composant le plus volatil presque pur. Si la
distillation est menée en discontinu (en batch), les composants les
plus volatils,s'ils sont plusieurs, peuvent être obtenus en tête sous
forme de
fractions successives.
Distillation fractionnée discontinue ou "en batch"
La
distillation peut être menée en chargeant le mélange à séparer dans une
capacité servant de bouilleur. Celle-ci est ensuite chauffée pour
générer des vapeurs qui sont ensuite condensées pour constituer le
distillat. Le mélange chargé initialement s'appauvri progressivement en
composants les plus volatils, tandis que le distillat, au début pauve
en composants les moins volatils, s'enrichit progressivement. Lorsque
les quantités et qualités souhaité pour le distillats et/ou le résidu
sont atteintes, l'opération est stoppées, le résidu déchargé du
bouilleur avant de le préparer pour une nouvelle opération.
Distillation fractionnée continue
En
distillation continue, l'alimentation de la colonne en liquide à
fractionner, ainsi que les soutirages des fractions légère et
lourde sont continus. Si le mélange à séparer nécessite plus de
deux fractions, il faut utiliser plusieurs colonnes disposées en série
(on parle alors d'un
train de distillation) ou procéder à des soutirages à différents étages d'une colonne unique (on parle de
soutirage latéral).
Différents arrangements des colonnes d'un train de distillation sont possibles; les règles suivantes peuvent servir de guide:
-
effectuer la séparation la plus facile, celle qui demande le taux de
reflux le plus faible, dans la première colonne, et laisser la plus
difficile pour la dernière colonne
-
extraire les composants dans l'ordre décroissant des volatilités
relatives (le plus volatil d'abord, le moins volatil en dernier), et
des concentrations (le plus abondant d'abord, lemoins abondant en dernier)
-
si les volatilités relatives et les concentrations des différents
composants sont semblables, extraire les composés un par un, en tête
des colonnes
- si un composant doit
avoir une pureté élevée et ne doit pas être souillé par des goudrons,
polymères, produits de corrosion, ... l'extraire en tête de colonne;
les pieds de colonne tendent à concentrer les produits de dégradation
thermiques ou chimiques.
Les
soutirages latéraux permettent seulement d'obtenir des fractions
enrichies en certains composants. Pour obtenir un constituant avec une
grande pureté, il est généralement nécessaire de faire un
fractionnement complémentaire.
Distillation extractive
La
distillation extractive est employée pour des séparations difficiles
avec une technique classique.
La distillation extractive peut s'appliquer aux composants ayant des structures chimique différentes (différence de polarité):
- dont les volatilités des
composants sont très proches, tels que alcanes-alcènes,
- formant un azéotrope, tels que des mélanges
eau-alcools.
On utilise alors un tiers
composant (nommé
solvant) qui utilisera la différence de polarité des composants, pour amplifier la
différence de volatilité. Les volatilités relatives peuvent même être inversées dans certains cas.
Le solvant est généralement choisi pour avoir un point d'ébullition
largement supérieur à celui des composés à séparer.
Dans une
première colonne, l'
absorbeur, alimenté en mélange à séparer, le solvant entraine, en phase liquide, le composé ayant
le plus d'affinité avec lui. L'autre composé est extrait en tête.
Dans
une seconde colonne, où le solvant enrichi est transféré, le composé
entrainé est aisément récupéré par strippage. Le solvant épuisé est ensuite retourné vers l'absorbeur.
Un
reflux de distillat en tête de l'absorbeur et du strippeur permet
éventuellement de limiter l'entrainement de solvant.
Outre son pouvoir d'entrainement pour l'un des composants, les qualités d'un solvant d'extraction doivent être:
- ne doit pas former d'azéotrope ni réagir avec l'un des composants
- être beaucoup moins volatil que les composants à séparer pour être facilement régénérable
- être stable à la température de travail
Les solvants les plus courants sont:
Solvant | Température d'ébullition | Applications courantes en distillation extractive |
Ethylène glycol | 197,3°C | deshydratation d'alcools |
Eau / Ethylène glycol | | séparation méthanol / acétone |
Eau | 100°C | séparation méthanol / acétate de méthyle |
Tributylamine | 214°C | deshydratation de l'acide acétique |
Acétonitrile (ACN) | 81,3°C | séparation propane / propylène, hydrocarbures en C4 |
diméthylformamide (DMF) | 152°C | hydrocarbures en C4, hydrocarbures en C5, hydrocarbures non aromatiques / aromatiques, deshydratation d'alcools |
N-méthylpyrrolidone (NMP) | 202°C | hydrocarbures en C4, hydrocarbures non aromatiques / aromatiques |
N-formylmorpholine (NFM) | 236°C | hydrocarbures en C4, hydrocarbures non aromatiques / aromatiques |
Distillation azéotropique
Un
mélange azéotropique est un mélange de composition fixe à deux ou trois
composés, se comportant comme un corps pur en distillation. Il émet une
vapeur de composition identique à la phase liquide. Il n'est donc pas
possible d'en séparer les constituants par distillation. Sa température
d'ébullition est soit inférieure (azéotrope à minimum) soit supérieure
(azéotrope à maximum) aux températures d'ébullition des constituants.
La
distillation azéotropique est une technique destinée à séparer des
composants liquides très difficiles (volatilités trop proches) voire
impossibles à séparer par distillation (formant un azéotrope). Elle
consiste à ajouter au
mélange à séparer un solvant tiers, formant un azéotrope avec l'un des
composants
et
non miscible avec lui après condensation.
On choisira donc un solvant formant un azéotrope à minimum pour le
récupérer en tête de colonne. Après condensation le solvant entraîneur
est séparé par décantation et recyclé dans la colonne sous forme de
reflux. Choisir un solvant entraîneur miscible avec le composant à
extraire n'aurait aucun sens puisqu'on serait dans l'impossibilité de
les séparer après condensation.
L'entraineur doit aussi être suffisament volatil pour être strippé du produit de pied de la distillation.
Après condensation, il se forme deux phases liquides:
- la phase supérieure riche en Benzène (86%) contient également 13% d'Ethanol et 1% d'eau
- la phase inférieure riche en Ethanol (52%) et en eau (43%) contient également 5% de Benzène.
La phase riche en Benzène est recyclée dans la colonne comme reflux.
La phase riche en eau est extraite et peut être traité à nouveau par distillation pour extraire l'Ethanol et le Benzène.
L'Ethanol sec est donc récupéré en pied de distillation.
Cette technique est largement
utilisée dans l'extraction d'eau de milieux organiques, aromatiques,
alcools, .... Elle est parfois en concurrence avec la distillation
extractive qui consomme souvent moins d'énergie mais est plus coûteuse
en investissement (deux colonnes au minimum).
Distillation à cycle de pression
Les
mélanges azéotropiques ont une composition qui dépend de la pression.
Par exemple, la composition de l'azéotrope formé par l'eau et l'acide
chlorhydrique est 20,2% d'acide à pression atmosphérique mais est 23%
d'acide sous 0,25 bar absolu, et 16% d'acide sous 3 bars de pression.
Grace à cette différence, il sera possible d'obtenir:
- de l'acide pur et un mélange à 16% en distillant sous 3 bars de pression un mélange à 23%,
- de l'eau pure et un mélange à 23% en distillant sous une pression de 0,25 bar absolu un mélange à 16%.
Ces
opérations peuvent être menées dans deux colonnes fonctionnant en
continu, l'une opérée à basse pression et l'autre à haute pression, les
mélanges azéotropiques circulant de l'une à l'autre.
Le schéma
précis dépend du type d'azéotrope traité; azéotrope à maximum (schéma
présenté ici) ou à minimum. Dans ce dernier cas, les mélanges
azéotropiques sont extraits des têtes des colonnes.
Cette technique
est assez coûteuse en investissement et en consommation énergétique, surtout si l'azéotrope est à minimum.
Pour réduire cette dernière, une intégration thermique entre condenseur
et rebouilleur doit être recherchée.
Entraînement par la vapeur d'eau
L'injection
directe de vapeur d'eau peut être utilisé pour vaporiser des composant
peu volatils et sensibles thermiquement. Une partie de la vapeur d'eau, en se condensant, apporte au
liquide à vaporiser la chaleur nécessaire. De plus elle abaisse la pression partielle du
composant à vaporiser en diluant ses vapeurs. C'est une alternative
souvent économique à la distillation sous vide.
Cette méthode est entre autres employée pour extraire les huiles essentielles de plantes.
Une variante de cette technique nommée
hydrodistillation consiste à mélanger de l'eau liquide à la substance à extraire et à chauffer le tout pour vaporiser l'eau.
Le
mélange vaporisé est ensuite condensé. S'agissant d'huiles
essentielles, les liquides huileux et aqueux ne sont pas miscibles et
sont séparés par décantation.
Stripping
Le
stripping est une distillation continue limitée à la zone d'épuisement.
Le liquide à traiter (
à stripper)
est introduit en haut de la colonne, et la vapeur
générée par un rebouilleur ou provenant d'un réseau est introduite en
bas. Liquide et vapeur cheminent à contre-courant de plateaux en
plateaux ou le long d'un garnissage. La vapeur extrait du liquide et
entraine avec elle les composants les plus légers vers le condenseur.
Le liquide épuré est soutiré du fond de la colonne.
La
vapeur de strippage est souvent de la vapeur d'eau, mais peut aussi
être n'importe quel composant plus volatil que le liquide à stripper.
Pouvoir le condenser en tête de colonne facilite souvent la
récupération des impuretés strippées. Un gaz peut parfois être employé
à la place de la vapeur de strippage si la récupération des impuretés
strippées n'est pas requise. Ainsi de l'air peut être employé puis
conduit vers un incinérateur.
Le stripping est surtout employé pour:
- épurer et recycler des solvants lourds chargés en gaz dissous ou liquides volatils
- sécher et recycler des solvants de deshydratation de gaz
- épurer des effluents aqueux chargés en hydrocarbures
- ...
Distillation multi-effet
Une
opération de distillation consomme de l'énergie principalement sous
forme de chaleur apportée au rebouilleur et éliminée en quantité
équivalente au condenseur. Pour des installations de grande capacité,
le coût de cette énergie peut justifier un investissement
supplémentaire pour l'économiser.
Dans une distillation multi-effet
l'opération est réalisée sur deux colonnes opérées en parallèle à deux
pressions différentes. Les pressions sont choisies telles que la
température de condensation du distillat sur l'une soit supérieure à la
température d'ébullition du résidu sur l'autre. Ainsi, il devient
possible d'utiliser la chaleur de condensation de la colonne à haute
pression pour éffectuer le rebouillage de la colonne à basse pression.
Comparée à une distillation classique, avec deux colonnes montées
ainsi, la consommation énergégique est réduite de moitiée.
Distillation avec recompression des vapeurs de tête
La
chaleur retirée au condenseur de distillat peut être apportée au
rebouilleur en augmentant la pression de condensation à un niveau tel
que la température de condensation soit supérieure à la température
d'ébullition du pied de colonne.
Pour cela on doit utiliser un compresseur
mécanique qui lui-même consommera une énergie supplémentaire.
Cependant, de manière analogue aux systèmes de pompe à chaleur,
l'énergie mécanique apportée au compresseur est largement inférieure à
l'énergie thermique économisée au rebouilleur.
L'investissement
du compresseur, assez important, réserve cette technologie aux
séparations difficiles sur les volumes élevés et occasionnant donc une
consommation énergétique élevée (séparations Propane/Propylène,
Ethylbenzène/Styrène, ...).
Cette technologie peut être envisagée pour les cas suivants:
- lorsque
la distillation est opérée dans le domaine cryogènique; la production
de froid nécessaire à la condensation peut être économisée par la
recompression de vapeurs de tête
- quand les température au rebouilleur et au condenseur sont proches (<10°C); le taux de compression requis et donc la consommation énergétique du compresseur seront modérés
- quand
une source de chaleur pour alimenter le rebouilleur n'est pas
disponible, et qu'une efficacité raisonnable peut être attendue
- quand l'eau est le composant principal et que le taux de concentration à obtenir est faible
Par contre cette technologie ne sera pas pertinente si:
- les températures au rebouilleur et au condenseur sont éloignées
- le
rebouillage utilise une source de chaleur de récupération de bas niveau
(vapeur à très basse pression, fluide à basse température) qui n'aurait
pas d'autre usage
Distillation sous vide
La
distillation sous vide est en fait une distillation opérée sous une
pression totale inférieure à la pression atmosphérique. La température d'ébullition du mélange comme
celle des composants est abaissée quand la pression est réduite. Dans le cas général la volatilité
relative des composants est augmentée.
La
distillation sous vide demande des équipements plus volumineux, donc
plus coûteux, comparée à la même distillation à pression atmosphérique.
La distillation sous vide est utilisée principalement:
- pour séparer des composants pouvant être dégradés par une température excessive
- pour améliorer la séparation de composants dont les volatilités sont proches.
La
température de condensation en tête de colonne est souvent le paramètre
déterminant pour fixer la pression de travail. Elle doit être
suffisament élevée pour permettre la condensation avec une surface
d'échangeur raisonnable.
Distillation réactive
Certains
procédés combinent dans un même équipement une réaction chimique sur un
catalyseur et la séparation des réactifs et produits de réaction par distillation. Dans ce cas
le catalyseur est disposé dans le fût de la colonne à la place d'une
partie des plateaux ou garnissage.
La
partie distillation permet d'enrichir le liquide ou la vapeur en
réactifs ou d'éliminer en continu le produit de la réaction. De plus,
la chaleur de réaction, si elle est exothermique, est disponible pour
l'opération de distillation.
Ce type d'opération est particulièrement efficace pour des réactions limitées par un équilibre chimique.
Les réactions suivantes peuvent bénéficier de cette méthode:
- estérifications et transestérifications
- éthylation du benzène
- ...